"Cette Interview n'a jamais eu lieu"
Raghu; Qui est Satto?
Satto; Qui est Satto?... Ah! Bonne question! (rires) C'est un mystère, en fait Satto n'existe pas, c'est juste un nom d'emprunt et de hasard dans un véhicule d'emprunt facile à utiliser en Inde... En France j'utilise mon nom légal, ça ne change rien. Satto en Sanskrit signifie le Réel, la Vérité, et aussi Etre. En cela je me reconnais, dans le simple être, loin des concepts compliqués et toujours sujets à caution et argumentations. Seul être existe, Est. Peu importe la forme de représentation, et c'est cela que je partage et invite à reconnaître en chacun, cet être qui ne dépend de rien et qui ne se doit qu'à lui-même. Cette liberté d'être que nous sommes en vérité, que tout est.
Raghu; Quelle est ton approche du satsang?
Satto; Pour moi satsang c'est rencontrer la vérité en soi, par soi, pour soi. C'est la plus grande intimité et authenticité qui soient. Donc mon approche c'est d'inviter l'être à se rencontrer vraiment au delà de ses croyances et attentes dans la nudité, dans l'innocence et simplicité de l'instant. Là ou tout se révèle, là ou l'être se révèle à lui-même et se réalise "en vérité"... et se reconnaît pour ce qu'il a toujours été! C'est libre.
Raghu; Comment s'est passée ta rencontre avec la spiritualité?
Satto; Vaste sujet... Il faudrait déjà définir ou discerner ce qui est spirituel ou pas. Difficile de faire court. Jésus fut le premier sous l'aspect d'un catéchisme de base, mais fut amalgamé avec le catholicisme que j'ai dû, faute de mieux, rejeter. Disons en gros qu'à l'adolescence, faisant face à trop de contradictions patentes, j'avais tout rejeté en bloc et seule comptait pour moi la "liberté", (conditionnement très français!) et je m'étais déterminé à ne rien tenir pour vrai que je n'ai pu vérifier dans mon expérience directe. "Ni Dieu ni Maître"! (rires) Cela fut mon 'chemin', et ce chemin m'a conduit, après de multiples péripéties, y compris une période de grâce surprenante et inattendue, à réaliser ce que je suis vraiment, ou pour mieux dire, à réaliser ce qui est vraiment... et en même temps à réaliser ce que je ne suis pas! Et ce second point est aussi important, sinon plus que le premier ! C'est cette double réalisation, instantanée et imprévisible qui fut ma rencontre ou re-rencontre avec ce qu'il est convenu d'étiqueter "spiritualité", mais qui en fait englobe tout. Rien n'est séparé ni séparable.
Raghu; Quels maîtres as-tu rencontré et fréquenté?
Satto; J'aime bien dire que mes maîtres furent mes maîtresses! C'est vrai, elles sont de redoutables maîtres! (rires) En fait mon seul maître fut ce désir brûlant de liberté, et dans mon cas, un amour inconditionnel de la nature, ce qui n'est en aucun cas une référence! Il n'y a pas de référence. Ça c'est absolu!
A part ça, pour la nomenclature, après ce non-événement qu'il est convenu d'appeler 'Eveil', j'ai rencontré en France, trois ans plus tard, Yvan Amar qui était la vivante confirmation de cet éveil. Sacré bonhomme! J'ai eu la chance de pouvoir suivre ses entretiens pendant environ six mois à Gordes. Tu as parlé de maître, il ne fut pas le mien, d'ailleurs il disait lui-même qu'il n'était pas un maître, mais il fut maître en l'art de me renvoyer à moi-même. L'éveil n'a pas de copyright!
Le second, que j'ai rencontré des années plus tard, fut Bashô, tu sais celui qui dit; " Assis silencieusement, ne faisant rien, le printemps vient, l'herbe pousse d'elle-même"... J'étais assis au café du coin, identique, dans cette simple reconnaissance d'être, et cette évidence m'apparue. Quand je dis que j'ai rencontré Bashô, je l'ai rencontré en moi, la qualité Bashô s'est reconnue en moi. Absolue évidence!...
En fait il n'y a qu'un maître, c'est la vérité, et elle se reconnaît en elle-même. Le reste est littérature, même si 'spirituelle'. Peu après, de la même façon, j'ai rencontre Bouddha, la qualité Bouddha. Je n'ai jamais été attire par le bouddhisme, mais c'est comme Jésus, cela n'a rien a voir avec les préceptes religieux ou spirituels établis en leurs noms. C'est la même qualité, la même vérité qui se reconnaît sous différentes formes et expressions... c'est intemporel et impersonnel! Le maître véritable ne meurt pas. La vie vraie ne meurt pas.
Deux ans plus tard j'ai rencontré Dolano, c'était la première fois que j'entendais un être vivant parler directement et clairement, au delà des langages élitistes spirituels ou autres. Elle vit en Inde, à Pune ou nous sommes. En gros c'est tout. Il y en a un que j'aurais aimé rencontrer, c'est d'ailleurs ce qui m'a ramené en Inde en 98, c'est Poonjaji, malheureusement je suis arrivé quelques mois trop tard. C'est une "lignée" que j'aime bien, j'ai d'ailleurs rencontré Ramana l'année dernière! La qualité, le 'Coeur' Ramana! Comme quoi il n'est jamais trop tard. Ramana, Poonja, Gangaji, Dolano, Shapiro.... J'ai aussi une tendresse plus que spéciale pour Nisargadatta Maharaj, une tendresse de Feu!
Raghu; et Osho?
Satto; Ah oui! Osho! Nous sommes à Pune, j'oubliais... Je n'ai pas été à proprement parlé dans la vague Osho, bien que j'ai pas mal d'amis sanyasins, j'ai seulement surfé sur ses écrits, mais l'Océan est le même! C'était apparemment un type sympathique, un dialecticien hors pair et libre au point de porter des menottes avec le sourire!... Ça en dit long... En fait j'étais venu à Pune pour rencontrer Kiran. Des noms se signifient, des visages, des temps, des préférences, des sympathies, mais ce n'est pas ça qui compte, c'est le Coeur, et là, tous noms confondus, c'est le même!
Raghu; Peux-tu nous parler de ton expérience de l'éveil?
Satto; Ah! Voilà la question!... Grand sujet plein de promesses, d'imagination et encore plus de malentendus! (rires). L'éveil n'est pas une expérience, c'est "l'impérience" même! C'est une réalisation Absolue! Absolue même d'aucun mot, d'aucun terme. Dans l'éveil le mot éveil n'existe pas. C'est la toute évidence d'être et conscience... et puis d'amour! C'est ce que nous sommes, ce que tout est. C'est ce qui est. Rien d'autre. C'est! (rires) ...
L'éveil n'est pas une expérience car dans l'éveil il n'y a pas d'expérimentateur, pas de 'moi', pas de sujet ayant une expérience objective d'éveil, il n'y a que 'Cela'. Pure Intelligence, Absolue Conscience, Amour absolu. Pure Information. Littéral.
L'éveil c'est simplement la réalisation de notre nature véritable, et c'est une reconnaissance infinie... maintenant. Sans temps. Rien d'autre. Pas d'avant, pas d'après, pas d'anniversaire... Et je suis incapable de dire quel jour c'était! Pas possible! Car en cela le temps lui-même s'anéanti... Tout s'anéanti, le monde, l'observateur. Il ne reste rien. Pure Intimité. L'éveil c'est Cela. Pas de date à célébrer, seulement Cela. Seulement Maintenant. Pure Béance... L'Instant de cet engouffrement infini n'est pas datable ni revendicable. - Pas d'éveillé - Seulement "l'Eveil". Maintenant. Pure conscience veillante, 'awakeness' en anglais. " Eveil veillant sur lui-même d'une veille infinie"... je cite de mémoire Stéphen Jourdain, bel 'irrévérencieux' de l'éveil...
C'est amusant, nous bavardons et des tas d'images me reviennent... Donc à l'époque, qui n'a jamais existé, je ne connaissais même pas ce mot dans le sens 'spirituel'. Jamais entendu parlé. Pas le moindre concept à ce propos, pas même la moindre recherche ou attente. Libre. Juste l'immensité de l'étonnement de la réalisation. J'étais simplement "retourné", totalement retourné. Absolument neuf et innocent. Pas d'éveil. Juste Cela...
Raghu; Pas d'éveil d'accord, mais peux-tu développer le sujet?
L'Eveil en soit est un paradoxe car en fait il n'y a jamais eu d'endormi! Il est amusant de noter qu'en anglais on utilise deux termes, Awakening pour Eveil, et Enlightenment pour Illumination.., ou illuminé! Ce qui laisse présager de la considération française à cet égard! (rires) Pour faire court, on peut dire que l'éveil c'est la réalisation de l'Absolu en soi, que tout est cet Absolu, que tout est en soi. Rien d'autre. Absolu absolu en lui-même. Si c'est absolu, et ça l'est, rien ne peut vraiment s'en dire, on ne peut que l'être. C'est absolu! ( rires )
C'est en soi est un non-événement, c'est notre nature qui se reconnaît; pas notre nature humaine, la pauvre, la nature même du "réel"... [autre terme ambigu et sujet à caution... c'est amusant, 'caution' en anglais veut dire attention, avertissement, il faut donc considérer notre langage et compréhension avec précaution, ne rien tenir pour certain... du moins pas avant de l'être réellement! (rires)]. Disons donc que notre nature réelle se reconnaît au travers de cette humanité. C'est l'Infini qui joue à cache-cache avec lui-même. Donc l'éveil, c'est une blague! (rires) Car cette nature sait très bien qu'elle n'a jamais dormi!... ce qui s'éveille en fait, c'est une reconnaissance... et c'est infini...
Une autre façon de le dire, ou du moins d'essayer l'impossible ( j'ai passé des années à jouer avec ça ), serait de dire l'éveil est une annihilation, annihilation de la croyance dans le rêve du moi et d'un monde séparé. C'est la mort du 'chercheur'. C'est la réalisation que tout cela n'est qu'un rêve jouant dans la conscience infinie. Rien d'autre. Et souvent là est la confusion pour le chercheur. Il n'y a jamais eu de moi ni de monde, c'est un rêve. Néanmoins, à part la croyance, rien n'est détruit. Ni le moi ni le rêve ni le monde. Rien ne change apparemment, mais profondément tout est changé. C'est un retournement total, la fameuse Métanoia des évangiles grecs. Ce qui n'existe pas ( le moi, le rêve, ou illusion, la Maya des Indes ), ne peut être détruit. Simplement le rêveur oublieux redevient le rêveur délibéré, ou créateur improbable et innocent d'un jeu impossible...
Raghu; A quoi reconnaît on l'éveil?
Satto; A rien. L'éveil se reconnaît en lui-même. L'EVEIL N'EST PAS UN ETAT. En lettres capitales et c'est capital à entendre vraiment au moins une fois! (rires) Donc n'étant pas un état, l'éveil n'est pas comparable, c'est sans comparaison! C'est toujours le même! Ça ne change pas. Ça ne passe pas!... On est conscient des états dits de sommeil, de rêve et de veille, et de leurs différences comparatives. L'éveil c'est ce qui est la conscience de tous ces états et qui lui-même n'est pas un état. Les états sont alternatifs, l'éveil est la sous-jacence continue. Comme le courant électrique, continu, pas alternatif, et ça n'est pas une alternative! (rires) C'est toujours! Et on ne le remarque pas, c'est remarquable! (rires) C'est le pouvoir de fascination du rêve qui fait qu'on n'y prête ou porte quasiment jamais attention. Notre conscience, notre intérêt, notre attention se focalisent toujours sur des objets, quels qu'ils soient, y compris et surtout les pensées, c'est le miroir aux alouettes... L'attention se porte rarement sur ce qui en soi n'est pas objectif, sur cela qui est la Pure Conscience de ce déploiement, de cette attention. Jean Klein utilisait le terme d'arrière-plan pour indiquer cela. L'éveil c'est la réalisation de cela. Pure Conscience. C'est libre... c'est sans histoire et on en fait toute une histoire! (rires)
... Et c'est là que le mental renâcle! Le mental va tenter par tous les moyens de capter, de réduire cet Absolu, ce 'sans histoire', à l'échelle de ses propres définitions. Il veut des certitudes enregistrables dans ses systèmes de références et de logique... Et ça n'est pas possible! C'est le dernier combat, l'intellect conditionné du petit moi se confrontant à l'Intelligence pure. Les dernières résistances individuelles, en un mot, l'agonie de l'arrogance intellectuelle et de son identité! C'est l'enfer! (rires)...
En fait c'est le combat imaginaire du mental face à ses propres certitudes mises en pièces par la réalisation. On ne peut réduire l'Infini au fini. La libération c'est quand le mental finalement se rend de lui-même à cette évidence, à l'évidence qu'il ne peut pas. Alors, "d'outsider", de résistant intellectuel, il redevient "l'insider", l'Intelligence ouverte qu'il a toujours été. Point. C'est la fin de la prétention personnelle.
Raghu; Une question personnelle cependant, est-ce que les éveillés se reconnaissent?
Satto; Bonne question encore! (rires)... C'est amusant, ce qui se reconnaît, c'est le même, il n'y a pas d'éveillés ni de non-eveillés. En fait l'éveil c'est la reconnaissance de la non personne. C'est l'Identité Absolue. L'identité relative que nous prenons pour nous-même, ou prétendons être ce que nous sommes, cette identité n'existe pas et n'a jamais existé; c'est un faux. Elle n'est pas réelle. C'est le rêve de l'image de soi. Ce qui se reconnaît c'est la non-séparation, le non-jugement, c'est le même "embrassement", sans image. Oui, cela se reconnaît, indéniablement. Seulement cela. Encore une fois, l'éveil se reconnaît en lui-même. Il n'y a personne pour reconnaître l'éveil.
Raghu; Quels conseils peux-tu donner aux gens qui cherchent la réalisation de soi; ou qui débutent sur le chemin spirituel?
Satto; Une question pourrait être utile ; « Comment reconnaître celui ou celle qui peut aider à cette reconnaissance ? ». C'est simple ; à la façon Yvan, c'est celui qui n'est pas autre, à ma façon, c'est celui qui n'est pas ailleurs, celui ou celle qui ne vous promet ni ailleurs ni autrement et qui vous invite à une investigation directe réelle dans l'instant.
Autrement, rien. Ne faites rien ! Surtout restez tranquilles! Oubliez tout tout de suite! Il n'y a rien à accomplir. Vous êtes ce que vous prétendument cherchez! Pas vous en tant que l'apparent individu en rêve de quête ou de réalisation, mais cela en vous qui est la conscience même de ce mouvement, de cette idée. C'est un retournement radical de la conscience sur elle-même, Ici&Maintenant, tout de suite! Pour faire un à-peu-près; ce que vous cherchez vous l'avez dans le dos! C'est littéral! C'est la "face cachée". On cherche partout ailleurs alors que tout est ici! Faites juste cette petite expérience, ramenez votre conscience maintenant dans votre dos, simplement. Que se passe-t-il? Rien de spécial, vous êtes simplement ici dans l'instant au lieu d'être ailleurs. L'invitation est de goûter cela. C'est libre.
Tout cela est un Jeu, une Comédie, et nous en faisons un Drame! Il n'y a que Conscience&Etre qui se prétend autre à elle-même dans son propre théâtre! C'est un tour de force impossible et néanmoins très réussi! (rires)...
Une chose cependant, si cette illusion vous cuit, quelles que soient vos convictions, soyez un avec vous même, à 100%! Pas de demie mesure! Il n'est réponse que de conscience. Puisque nous en sommes aux périodes de voeux, voici les miens; "soyez vrais, soyez vous-même, ne soyez pas 'autre' ." Cela suffit. La Paix est déjà là, elle n'attend que vous.
Raghu; Quel est ton programme, où enseignes-tu?
Satto; Seulement ici et maintenant! Et ce n'est pas un enseignement mais c'est tout un programme! C'est le seul qui soit! Je n'enseigne rien, j'invite à cette rencontre et reconnaissance de l'instant. C'est tout! C'est vraiment Tout!... Que ce soit au café du coin, dans des réunions formelles ou dans des groupes de réalisation intensifs, c'est toujours le seul point focal. Après le calendrier s'organise... ou pas! D'ailleurs je ne suis pas un très bon organisateur, mais c'est sans importance, ce qui compte c'est l'instant. Rien d'autre. Nous avons ma compagne et moi un site web sur lequel vous pouvez trouver toutes les informations de base et même beaucoup plus !...
Ici en Inde, à Pune, c'est simple, cela va de soi, la culture indienne est un support traditionnel pour ce genre d'exercice, et les gens qui font le voyage jusqu'ici, qu'ils le sachent ou non, viennent pour cela. En France c'est plus délicat, c'est moins culturel, l'inculture moyenne française est sceptique et critique, et l'amalgame anti-secte ne crée pas un précédant favorable. Mais encore une fois, cela n'a aucune importance, l'esprit souffle où il veut... et comme disait Voltaire; "Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes"... Et c'est vrai! (rires)
L'essence du satsang, de l'invitation, c'est de redécouvrir ce qu'on est vraiment, pas d'arranger ou d'améliorer la personnalité. C'est une coupe franche dans le fouillis des histoires qu'on se raconte à soi-même sur soi-même. Y compris l'histoire 'spirituelle'. L'identité individuelle est un faux, là est notre seul inconfort, notre seule souffrance, notre seul délit; "Faux et usage de faux"! (rires) C'est le seul crime de l'humanité, le seul 'péché' originel.
Raghu; La politique, les évènements récents, la violence urbaine, l'environnement?
Satto; Tu sais, ce que nous appelons le monde n'a que peu de réalité en soi, un ramassis de croyances, d'histoires, de mémoires et d'informations hasardeuses assemblées à la va vite... Et on en fait tout un monde! (rires) En fait le monde est satsang, le monde nous invite toujours à rencontrer la vérité, à dénoncer le faux, même au prix de la violence, on a déjà crucifié Jésus, aucune nécessité de reprendre le rôle ni de rejouer la scène! " Rendez à César ce qui appartient à César"... La Conscience s'appelle toujours, quels que soient les événements, dits "humains" ou "naturels". A nous de nous interroger véritablement, c'est notre responsabilité. Qui est celui qui interroge? Qui témoigne? Qui est celui là?...
En fait, c'est la seule question valable, rien ne peut remplacer la rencontre ou investigation directe. Ces questions ne peuvent trouver réponse que dans la reconnaissance de ce que l'on est vraiment, de ce qui est vraiment. Toutes ces questions renvoient à soi, et c'est seulement ce soi qui est la réponse. Autrement on reste dans la croyance, l'illusion de la séparation et du jugement. C'est l'enfer! (rires)
Tu sais en satsang formel, il est rare que je développe aucun sujet relatif, du moins pas avant que cette reconnaissance ne soit établie, sinon ce ne serait que de la broderie intellectuelle, tout ce qui sera dit sera entendu du point de vue de la personne séparée, du point de vue d'une intelligence confinée, pour ne pas dire rétrécie. La seule réalité est maintenant, pas les contenus pouvant apparaître maintenant. Ici nous pouvons porter notre regard, pas ailleurs. Ailleurs n'existe que dans notre imagination. Juste un instant, si nous sommes honnêtes, que savons nous d'autre que maintenant et ici? Rien. Juste des pensées qui volent, une soupe d'informations, pour ne pas dire une bouillie, un babillage de mémoires pas même vérifiées. Nous sommes comme des enfants qui jouent à construire des châteaux de sable... et qui les piétinent la minute d'après! (rires) Rien ne reste... sauf la Joie du Jeu! (rires) C'est impensable... mais délectable! Une fois reconnu, le Drame est pure Jubilation! (rires) La Joie demeure...
Raghu; Un mot, Dieu?
Satto; Ah! Vaste sujet encore! Personne n'a jamais répondu. Je dirais donc ceci, qui n'est pas une réponse mais une invitation: ou bien il n'y a pas de dieu, ou Dieu c'est toi!... Alors?... J'aime bien la formule de Jean Klein, Monsieur Jean Klein disait Yvan, "Il n'y a pas de chef d'orchestre". Dieu c'est ce qui est, rien n'est épargné. On peut dire aussi à la façon Yvan, "c'est ce qui n'est pas autre". En fait l'autre n'existe pas. Si dieu est un autre, alors il n'existe pas. Cela ne peut que renvoyer à soi. Rien d'autre.
Maintenant, cet instant précis, et non prédit, est le "Dieu jaloux et courroucé" des Juifs, il ne souffre aucun écart, aucune idolâtrie, aucun projet. Le "Coeur de Dieu", de la Révélation, de l'apocalypse, c'est Maintenant! La 'colère de Dieu', c'est ça; il offre son Coeur maintenant, librement, et on regarde ailleurs! (rires) C'est une bonne blague!... et ça fait 2000ans et plus qu'on nous le dit et on cherche toujours ailleurs ! Pour être têtu on est têtu! "Peuple à la nuque raide". On est très dur à l'entendement! (rires) " Ils ont des oreilles et ils n'entendent pas" disait Jésus, c'est vrai. Et on entend partout le 'mantra' des chercheurs du monde entier: "Oui mais"... (rires) C'est impayable! Et le chercheur impénitent compte ses deniers pour s'offrir le prochain séminaire qui finalement lui apportera la bonne nouvelle! (rires)
Raghu; Les religions?
Satto; Les religions s'originent toutes dans cette même reconnaissance mais deviennent par le jeux des interprétations, traductions, récupérations et manipulations de très compliqués parcours de piste dont il faut, au mieux, se 'débrouiller', mais au Coeur de toutes réside le même. Reliez-vous donc à vous-même... Religieusement ! (rires) La 'Bonne Nouvelle', l'Evangile, c'est Maintenant. M.A.I.N.T.E.N.A.N.T.! C'est la main tendue de Dieu et on passe son temps à passer à côté! C'est vraiment la Grande Farce! "Maintenant vous dis-je!" et le bon chercheur se demande... "Mais de quoi parle-t-il?" (rires)... C'est le Grand Jeu! ...Et on se brode au nez, on tricote à nouveau ses si chères pensées... "Maya l'endroit, Maya l'envers"... Dixit Yvan encore. Hommage lui est rendu.
Raghu; J'allais oublier, l'amour? La relation de couple? L'homosexualité, la famille, les enfants?...
Satto; L'amour est un autre nom pour Dieu, ou pour Etre, c'est pareil, c'est maintenant et c'est inconditionnel!... La relation de couple c'est le jeu, c'est aussi une sorte de religion, d'ailleurs c'est ce que le mot religion signifie, relier, se relier... Alors que ce soit à un dieu, à une religion ou à un autre être, les parcours sont différents mais le résultat final est le même... si vous allez jusqu'au bout! (rires) C'est pareil pour la famille et les enfants, même si l'un ou l'une d'entre eux déclare une tendance homosexuelle; quoi? Au delà des jugements sociaux ayant cours, que restera-t-il? L'amour. L'amour est le chemin, pas pour arriver quelque part ou à quelque chose. Pour Lui-même. En lui-même. Origine moyen et fin. Parfait en soi. Interrogez votre Coeur, la réponse est là.
Raghu; J'ai encore une question personnelle, un mot, Soufi?
Satto; Yvan Amar, qui avait un petit côté soufi, disait, "ce qui est besoin suffit". Soufi. Les Soufis représentent une tradition de mystiques libres sous couvert de l'Islam, c'est le chemin du Coeur avec d'autres couleurs et une autre culture. Ce que j'aime bien chez les Soufis, c'est que l'enseignement passait très souvent par l'apprentissage d'un métier, tisserand, potier, forgeron.... Et l'amour du travail bien fait... L'amour de l'art!... Cela en soi suffit. Pour l'anecdote, puisque nous sommes entre amis, je voudrais rendre hommage à un professeur que j'ai eu la chance d'avoir lors d'un apprentissage professionnel en Belgique, Léon Hardy. Cet homme, sans le savoir, et moi non plus, était à sa façon un maître soufi. Il m'a fallu une vingtaine d'années pour le réaliser! Et j'ai eu la chance de pouvoir le remercier de vive voix. Pure gratitude et reconnaissance. On a parlé de maîtres et celui là fut le mien, anonymement, sans parler de rien sinon du travail bien fait, de la rectitude d'action. Rien d'apparemment 'spirituel', pourtant tout était là!... En fait la plupart des vrais maîtres sont anonymes, les superstars tiennent rarement la route, il y a souvent des dérapages!... (rires)
Raghu; Question vie courante, la nourriture en Inde?
Satto; J'aime les choses simples et la vie simple, alors je fais mes courses, je cuisine, je lave la vaisselle et je me régale a chaque étape! Je me "soufi" a moi-même! (rires)
Raghu; Le new-Age?
Satto; Ça existe encore? (rires)
Raghu; les médecines et traitements alternatifs par exemple?....
Satto; Tu sais, ce jeu de la vie est en constant changement et évolution, et de plus en plus d'ouvertures se font et de nouvelles perspectives émergent. Une nouvelle approche, qui se base sur la physique quantique, est de ne pas séparer, donc d'inclure l'observateur et sa conscience dans l'expérience, de faire participer consciemment et activement le "patient" dans sa guérison. D'amener la personne à trouver en elle-même ce qui crée le symptôme, ou l'état jugé de désordre ou dysfonction apparente... Très vaste sujet encore!... En fait ces "nouvelles" ne le sont pas. Elles sont seulement mises à l'ordre du jour par quelques scientifiques encore marginaux qui invitent à une réévaluation de nos paradigmes matérialistes rétrécis ou limités... En fait ce que découvre la science est ce dont tous les mystiques ont témoigné dans leur rencontre du Réel. On fait appel à ce qui en nous est sain. En fait en satsang on réalise qu'on est 'créateur' ou 'co-créateurs' de nos vies, de A à Z... y compris nos apparentes maladies... et nos apparentes guérisons! Ces maladies, ou désordres, sont en fait une invitation à un réel questionnement sur ce que nous sommes vraiment. Et ce que nous sommes vraiment est sain. Toujours. En fait tout se joue dans la Conscience-être, et cela n'est jamais malade. Tout le reste est alternatif, apparente santé, apparente maladie, tout n'est qu'alternatives, qu'altérations. Les phénomènes changent toujours, qu'est-ce qui ne change pas? Là est la réponse, là est le centre de santé réel. Maintenant. Seulement Maintenant. Rien d'autre.
Raghu; Quelque chose à ajouter ?...
Satto; Oui. Il y a une seule chose à entendre vraiment et à considérer en toute conséquence. L'instant, maintenant même, est le seul point de rencontre du Réel. Ça n'est pas quelque chose que l'on peut accomplir dans le temps. Ça ne souffre aucun délai. Il n'y a pas à discuter! Tout délai est "souffrance", est un mensonge que l'on se raconte à soi-même. Là est notre apparente souffrance. La souffrance c'est prétendre être ce que l'on n'est pas ! Si on est honnête, dans l'instant, sans se raconter d'histoire, dans la conscience juste de l'instant, où se trouve la souffrance ?...
Un dernier 'message', vous êtes libres! Toujours. Déjà, ici et maintenant. Ce n'est pas un 'devenir', c'est votre nature. Vous l'avez toujours été. A vous de vous réclamer. Doutez de tout ce que votre tête vous raconte. Toutes les promesses de futur sont des faux et toutes 'anti-messe' passéistes sont des fraudes. Quelles idoles allez-vous adorer? La seule messe, la seule célébration, la seule jubilation, la seule "jouissance", c'est Maintenant.... Et c'est Libre!
Raghu; Finalement, ce fameux Eveil, ça sert à quoi ?...
A rien, c'est comme la vérité... Ça ne peut pas être utilisé. La seule chose qui reste c'est notre nature... Juste la conscience et sa paix... Rien d'autre. Aucun pouvoir, rien de démonstratif, rien de "spécial"... Ça sert à quoi d'être en paix?... A rien... C'est très confidentiel, et ça ne fait même pas marcher le commerce! (rires) ... En fait, cette interview n'a jamais eu lieu!...
C'est un jeu infini, un aspect de la manifestation, du débordement de l'Etre, du mystère du Vivant. Autrement dit, sans en être séparée, sans y être étrangère, la Source n'est pas responsable de... ses éclaboussures!... (rires) C'est Insaisissable... et impossible!
Que nous reste-t-il? Rien. Seulement ce moment, l'engouffrement ici et maintenant. Pure béance et béatitude d'être. Pure "Poésie". C'est intarissable! (rires) On ne peut pas dire ce que c'est, plus on creuse et plus ça déborde! Il n'y a pas de robinet d'arrêt! (rires) C'est le Jeu infini et sa Joie...Maintenant, ça suffit...
Ça suffit maintenant!
Merci d'avoir posé ces questions.
Entretien avec Satto et Raghu, Pune Janvier 2006.